Kompass, le sixième album de Madsen

Kompass, le sixième album de Madsen

de gauche à droite : Sascha, Sebastian, Niko et Johannes

À l’occasion de leurs dix ans d’existence, Madsen a sorti le 14 août son sixième album, intitulé Kompass, ce qui signifie boussole, en allemand.

Grâce à cette boussole, Madsen cherche à retrouver l’énergie de leur adolescence. Leur musique s’inspire à cette occasion d’un rock alliant celui des années 80 et 90 et les chansons sonnent comme un hommage à des groupes comme Weezer, Led Zeppelin et Black Sabbath.

L’album commence par « Sirenen », une chanson puissante et mélodique, très représentative de ce que fait Madsen musicalement depuis ses débuts. Le texte veut pousser à la réflexion, ce qui est également une marque de fabrique du groupe. Cependant, et cela sera confirmé par la suite de l’album, la réflexion ne va pas très loin car le texte est trop vague. De quels dangers sont censées nous alarmer les sirènes qui sonnent en début de chanson : la radicalisation à droite, les banques ? On se contente de citer quelques mots passe-partout : Mord und Totschlag (meurtres et homicides), Menschenhass (intolérance), Wasserwerfer (canons à eau), Drohnen (drônes)… C’est un peu frustrant pour un groupe qui nous a habitués à des textes percutants.

Le reste de l’album confirme la sensation que Madsen a perdu un peu de sa pertinence puisque les chansons parlent d’amour et d’amitié. En revanche, Madsen, reste un groupe très positif et encourage les gens à être plus solidaires, spontanés, etc.

La deuxième chanson « Leichter » (plus léger) reste très fidèle à ce que fait Madsen avec une chanson qui change souvent de rythme, toujours très mélodique et des paroles qui valorisent « l’autre ». Chez Madsen, il est clair que c’est l’autre (nos proches, nos amis ou notre famille, voire ceux qu’on ne connaît pas encore) qui peut nous aider à résoudre tous nos bobos :

« Sans toi, j’aurais plus de temps
À consacrer à ma tristesse
Dont tu m’as déjà si souvent délivré »

Kompass, le sixième album de Madsen

Madsen au festival Hurricane à Scheeßel

La troisième chanson, « Küss mich » (embrasse-moi) est une ballade. Elle a été déclinée en single.

« Kompass », qui a donné son nom à l’album, est une jolie chanson, avec un joli texte :

« Sur tous les chemins
Je t’emmène avec moi
Comme une boussole
Que je ne perdrai plus
Ne perdrai plus
Car sans racine
Le vent nous éloigne »

Plus légères et rigolotes, voire accessoires sont « Ich bin korrupt » « Küss mich ».

« Ich trink nur eben aus » est une chanson optimiste mais aussi un peu facile, restant dans le style typique du groupe.

Toujours aussi optimiste est Fluten (Marées), avec des accents de hard rock et un texte parfois très joli :

« Dans la marée
Nous ne craignons rien
Ce que nous perdons
La mer le redéposera sur la plage »

Kompass, le sixième album de Madsen

Madsen en concert à Insbruck

« Unerreichbar » (Inaccessible) est une nouvelle ballade avec pour thème le fait de passer une journée sans internet et téléphone.

« Graue Welt » (un monde gris) est une chanson pleine de courage sur une thématique déjà portée par Madsen.

« Ils ne voient qu’en noir ou blanc
Ne savent pas ce que c’est
Que d’être différent
Il y en a tant qui te comprendront
Si seulement tu leur montrais de nouvelles couleurs »

« Nochmal » (Encore) est la chanson la plus touchante avec un texte très beau :

« Le désir et la raison
s’accordent rarement
Pourtant comme il existe aussi des miracles dans l’Enfer sur Terre
Je t’embrasse comme s’il n’existait pas de lendemain.
Si c’était une erreur
Alors ça m’est égal
Car qu’y a-t-il de juste ou de normal
Nous seuls avons maintenant le choix
Et on se fiche de ce qu’ils racontent
Viens, on recommence encore une fois.
Juste encore une fois.
On recommence encore une fois
Et encore »

« Über die Berge » (Au-delà des montagnes) est une nouvelle ballade, plutôt quelconque avec des choses un peu faciles :

« Je te réchauffe quand tu as froid, lorsque tu perds pied, je te tends la main. »

L’album se termine sur un morceau puissant où Black-Sabbath rencontre T.Rex-. « Leuchttürme » (Phares) est une très belle chanson avec un très beau texte, tellement beau d’ailleurs qu’il en fait peut-être la meilleure chanson de l’album :

« Je connais chaque nuage
Chaque coucher de soleil
Marées basses et hautes, les étoiles
Car je ne peux faire autrement
Parfois je me sens seul
Je regarde la mer
Plusieurs fois j’ai pensé
Quelqu’un me fait signe
Par tempête, pluie et neige
Je reste simplement ici debout
Chaque fois que je te ramène à la maison
Alors je sais pourquoi. »

Kompass, le sixième album de Madsen

Kompass, le sixième album de Madsen

Le message de la chanson est également celui qui apporte une touche d’originalité à l’album : Il est certes important de voyager mais il est tout aussi important d’avoir une boussole ou un phare qui montre le chemin.

Depuis leur dernier album « Wo es Beginnt », les Madsen n’avaient écrit qu’une seule chanson, et c’était pour un film pour enfants : Rico, Oskar und das Herzgebreche (inédit en France). Le fait que l’album soit produit par Moritz Enders qui travaille avec beaucoup d’artistes allemands comme le rappeur Casper, Tim Bendzko ou Kraftklub dénote de l’aspect « grand public » du groupe.
Avec sa boussole, Madsen ne s’aventure pas très loin. Il n’empêche que le succès est au rendez-vous puisque le groupe est très populaire en Allemagne. Ce dernier album, sorti cet été, se vend néanmoins moins bien que le précédent. Espérons que cela incite le groupe à travailler ses textes qui n’égalent plus les hits des premiers albums. En l’état, avec Kompass, Madsen livre cependant un très bon album, agréable et solide. La musique de Madsen a pour but de faire chanter. Les paroles sont écrites dans un bel allemand, très joli à l’écoute et qui est effectivement très facile à chanter.

 

Karacho, le dernier album des Donots

Karacho, le dernier album des Donots

Un pas en avant pour les Donots

Karacho, le dixième album des Donots est sorti le 20 février 2015 et après neuf albums en anglais, ils chantent pour la première fois en allemand.

Depuis 1993, le groupe originaire d’Ibbenbüren dans le Nord de l’Allemagne, près de la frontière néerlandaise, délivre un rock alternatif la plupart du temps proche du punk, mais qui peut aussi bifurquer vers la pop, comme cela fut le cas en 2012 à l’occasion d’un duo avec le britannique Frank Turner sur la chanson So Long (Frank Turner venant d’ailleurs, lui aussi, du punk).
Pour fêter leur vingtième anniversaire, les Donots avaient prévu de sortir un EP exceptionnellement en allemand. Vingt chansons ont été finalement présentées à Vincent Sorg qui a, entre autres, produit le dernier album des Toten Hosen. Une douzaine de chansons ont été retenues et ce qui devait être un EP s’est transformé en album.

Lorsque les Donots annoncèrent leur projet de sortir un album en allemand en 2014, nombreux étaient les inquiets, y compris parmi les fans. Le risque était grand de perdre son public en route. Pourtant, les Donots s’étaient en réalité déjà essayé à la chose en 2014 avec “Das Neue bleibt beim Alten” et avaient démontré toute leur capacité à réussir dans leur langue natale.

L’album commence très fort. La première phrase hurlée par Ingo Kollmann, le chanteur, est « Von jetzt an mach ich nicht mehr mit » (À partir de maintenant, je ne fais plus partie du truc). Les Donots expriment-ils ainsi leur refus de continuer à chanter en anglais ?

Karacho, le dernier album des Donots

Karacho, le premier album en allemand des Donots

On le constate dès la première chanson, les Donots délivrent en allemand des textes plus percutants et s’éloignent des clichés anglicistes. Ici, les Donots hurlent clairement leur incompréhension devant la façon dont évolue le monde. La chanson « Ich mach nicht mehr mit » est symbolique de cet album.

Ingo Kollmann, qui écrit également les paroles de ses chansons, admet qu’il n’a pas été facile de passer de l’anglais à l’allemand. Il a eu besoin de plusieurs semaines pour se familiariser avec sa langue et l’intégrer dans une dynamique rythmique. Il n’a pas non plus hésité à se farcir des heures et des heures de pop allemande afin de bien déterminer ce qu’il ne voulait surtout pas voir dans ses paroles et éviter les clichés.

La seconde chanson, Dann Ohne Mich (ce sera sans moi) s’attaque clairement au mouvement des Patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident (en allemand, « Patriotische Europäer gegen die Islamisierung des Abendlandes », abréviation PEGIDA). Ceux qui participent à ce mouvement ont peur de l’immigration islamique qui a, selon eux, pour conséquence d’islamiser l’Allemagne. Lancé en octobre 2014, le mouvement a beaucoup fait parler de lui, y compris en France car ses membres manifestaient chaque lundi à 18 heures 30 dans un parc de la ville de Dresde. Dans cette seconde chanson, « Dann Ohne Mich », Les Donots leur répondent par des phrases comme « Kein Mensch ist illegal » (aucun être humain n’est illégal).

Karacho, le dernier album des Donots

La couverture de l’album

Le reste de l’album démontre aussi que, musicalement parlant, le groupe n’est plus uniquement consacré au punk-rock depuis longtemps. Les Donots cultivent leur niche qui se trouve entre le mainstream et le punk pur et dur. Si « Ich mach nicht mehr mit » sonne très rock-alternatif, tout comme « Du Darfst Niemals Glücklich Sein » (tu n’as pas le droit d’être heureux), on trouve aussi des chansons qui sonnent reggae pour mettre de bonne humeur comme « Problem Kein Problem » (Problème, pas de problème). “Weiter” ressemble à de la pop à la sauce U2, « Immer Noch » à de la folk teintée de rock et l’acoustique « Hansaring, 2:10 Uhr » refait les yeux doux à la Folk Pop Rock de Frank Turner. D’autres chansons sont simplement bruyantes comme « Kaputt » et « Hier Also Weg ».

Au final, on constate que les Donots ont parfaitement su adapter leur musique à la langue allemande. Leurs chansons sonnent toujours aussi fraîches et légères tout en demeurant percutantes. Ainsi, les Donots restent les Donuts, même en allemand.